quinta-feira, 18 de fevereiro de 2016


(...)  il exprimait une conviction personnelle sincère que sa propre attitude allait illustrer. Toutefois, les deux hommes ne s'entendirent jamais: question de caractère et questions de principes. Pourtant, Levinas le caustique avait du répondant face à l'ironie de Scholem. Mais il était petit, l'autre grand. Il était de Kovne, um paria de l'empire, l«autre était de Berlin (...) Au-delà de ces incompatibilités de tempéraments, d'autres options les séparent, relatives à la comprehension du judaisme. Scholem avait fait très tôt le choix de l'immigration en Israel, alors que Levinas tenait et s'en tenait à la dispersion. Et, surtout, Scholem était l'historien de la mystique juive, du hassidisme et de la Kabbale envers lesquels Levinas ne se départit jamais de sa réserve lituanienne. A Jérusalem, Scholem tenait maison ouverte le samedi matin. De passage dans la ville, Levinas s'y rendit. Il ne connaissait personne. Scholem était occupé à séduire son monde. Levinas observa quelque temps, dans son coin, puis s'en fut.
     Les relations ne furent pas meilleures avec l'autre penseur israélien du siècle, Martin Buber. Levinas le "Litvak", élevé dans la tradition du Gaon de Vilna, ne pouvait partager la célébration bubérienne du hassidisme, son éloignement de la synagogue, sa façon de prôner la foi immédiate contre la Halakha, la ferveur contre le dogme. Les deux penseurs ne pouvaient même pas se rencontrer en terre philosophique, dans la contrée particulière du dialogue. Certes, dans un entretien aux Nouvelle Littéraires, en 1982, Levinas reconnait à Buber le mérite d'avoir défriché des choses dans la relation à autrui. Mais sans qu'ils s'entendent mieux pour autant, compte tenu de la diachronie chère à Levinas et fatale à l'auteur de Le Je et le Tu. (...) Brillant, menant une vaste vie sociale, ayant son mot à dire sur tout, libéral peu observant, Martin Buber en tant qu'homme n'avait pas grand-chose à voir avec Levinas...


  Lescourret, Marie-Anne. Emmanuel Levinas. Paris: Flammarion, 1994, pp 333 - 334.
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