" L'enfant " (1)
Les Turcs ont passé lá. Tout est ruine et deuil.
Chio, l'ile des vins, n'est plus qu'un sombre écueil,
Chio, qu'ombrageaient les charmilles,
Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,
Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois
Un choeur dansant de jeunes filles.
Tout est désert. Mais non; seul près des murs noircis,
Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,
Courbait sa tête humiliée;
Il avait por asile, il avait pour appui
Une blanche subépine, une fleur, comme lui
Dans le grand ravage oubliée.
Ah! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux!
Hélas! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus
Comme le ciel et comme l'onde,
Pour que dans leur azur, de larmes orageux,
Passe le vif éclair de la joie et des jeux,
Pour relever ta tête blonde,
Que veux-tu? Bel enfant, que te faut-il donner
Pour rattacher gaiment et gaiment ramener
En boucles sur ta blamche épaule
Ces cheveux, qui du fer n'ont pas subi l'affront,
Et qui pleurent épars autour de ton beau front,
Comme les feuilles sur le saule?
Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux?
Est-ce d'avoir ce lys, bleu comme tes yeux bleus,
Qui d'Iran borde le puits sombre?
Ou le fruit du tuba (2), de cet arbre si grand,
Qu'un cheval au galop met, toujours en courant,
Cent ans à sortir de son ombre?
Veux-tu, por me sourire, un bel oiseau des bois,
Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
Plus éclatant que les cymbales?
Que veux tu? fleur, beau, fruit, ou l'oiseau merveilleux?
- Ami, dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux bleus,
Je veux de la poudre et des balles.
(1) Um dos poemas mais divulgados do livro "Les Orientales" (1829) e que fala da guerra de independência da Grécia relativamente ao império turco. Nesta guerra rapazes jovens lutavam ao lado das forças independentistas;
(2) Árvore mítica pertencente ao paraíso muçulmano, simboliza a felicidade e a abundância.
Hugo, Victor. Oeuvres Poétiques, Anthologie. Paris: Le Livre de Poche, 2002, pp 55-56.
.
.
.