Il faut se figurer une ligne de crête dans les montagnes et marcher sur cette ligne en tâchant de ne chuter dans le vide éthique ni d'un côté ni de l'autre: deux précipices bordent le chemin d' une existence, qui sont, d'une part, la tentation de penser sur le modèle de ce que nous vivons (c'est le désir de l'homme intense) et, d'autre part, la tentation de vivre sur le modèle de nos pensées (c'est l'espérance des sages et des hommes de foi; c'est aussi, peut-être, la promesse électronique).
La vie éthique n'est ni la vie sage ni la vie électrique, ni la recherche du salut, ni la quête spontanée d'intensité. C'est une vie capable de ne pas se livrer à son intensité et de ne pas chercher à s'en délivrer. C'est un chemin étroit qui sinue à travers tous les discours, le long duquel il faut renvoyer inlassablement dos à dos ceux qui nous disent de penser intensément et ceux qui nous enjoignent de vivre également, asservissant ainsi une partie de nous-même à l'autre partie (...). Pour ne pas affirmer et pour ne pas nier l'intensité de la vie, il faut apprendre à éprouver cette intensité dans la résistance; on ne ne se sent vraiment vivre qu'à l'épreuve d'une pensée qui résiste à la vie, et on ne se sent vraiment penser qu'à l'épreuve d'une vie qui résiste à la pensée.
Garcia, Tristan. La vie intense, une obsession moderne. Paris: Éditions Autrement, 2016, p 196.
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